Publié dans Films en salle

Proxima, l’infiniment grand au cœur d’une fable intimiste

Proxima affiche

Sarah part en mission sur Mars durant un an et doit abandonner sa fille Stella avec qui elle entretient une relation fusionnelle. Pour son troisième long-métrage, Alice Winocour livre un film étonnant de sobriété et de beauté. Le mythe du film spatial grandiose totalement déconstruit.

Proxima est un film sur l’espace différent. Très intimiste et cloué les pieds au sol, il dépeint les difficultés que comportent un voyage interstellaire.  Tout lâcher sans se retourner, c’est la mission de ces 3 astronautes qui embarquent à bord d’une fusée direction Mars. Parmi eux, la Française Sarah Loreau (Eva Green) qui doit faire une croix sur sa fille pendant la durée de la mission. Plus que le fait d’être séparée, c’est la douleur de se préparer à cette séparation qu’Alice Winocour décrit dans un film plein d’humanité.

Un film d’espace sur terre

Tout le défi de Proxima est de proposer un film d’espace sur terre. Dit ainsi, cela pourrait paraître ennuyeux et sans intérêt. Et pourtant. Plus que la conquête spatiale, Winocour s’intéresse au fait de tout quitter pour un voyage dans l’endroit le plus éloigné de toute forme humaine. Pendant presque deux heures, l’espace n’est que suggéré par petites touches succinctes : le bruit de la pluie, les étapes du décollage, le regard tourné vers le ciel.

Proxima s’attèle à décrire la préparation physique et psychologique qu’un astronaute doit subir pour ce type de voyage. Ce qui est intéressant ici est que l’astronaute en question est une femme, ce qui n’est pas anodin. Une femme forte, à l’image de son interprète brillante Eva Green, qui se fait une place dans un monde très masculin grâce à sa force de caractère et démontre aussi toute la sensibilité nécessaire et juste qu’éprouve un Homme lorsqu’il quitte tout. Plus que la beauté des étoiles et de l’espace, Winocour livre des plans en pleine nature resplendissants de beauté et de pureté un peu à l’image de la relation qui lie une mère à sa famille.

L’art de tout quitter

Le cœur du film est ainsi la relation entre Sarah et sa fille Stella (Zélie Boulant-Lemesle). Souvent assimilés à des machines surhumaines, les astronautes n’en restent pas moins des Hommes avec des émotions et des sentiments. Le film s’applique ainsi à décrire toute la préparation que requiert un tel voyage et tous les sacrifices que doit consentir une mère pour abandonner la personne qu’elle aime le plus au monde.

Proxima est un film sur l’ « avant » mais laisse sous-entendre que l’ « après » sera encore plus dur. Car le plus difficile n’est peut-être pas réellement de partir, mais de revenir et de se rendre compte que nos êtres les plus chers ont réussi à vivre sans nous. La relation fusionnelle qui unit Sarah à Stella est brillamment retranscrite par les deux actrices. Mention spéciale à Eva Green qui trouve ici son meilleur rôle, tout en naturel et en transparence. Proxima pose ainsi la question de la viabilité de concilier vie de famille et rêve personnel. Les astronautes sont-ils voués à s’éloigner de leur famille au détriment de la conquête spatiale ?

Le film sur l’espace est à la mode depuis de nombreuses années avec Gravity, Interstellar, First Man, ou encore Ad Astra. Néanmoins, aucune de ces superproductions américaines n’avaient traité le sujet à la manière d’Alice Winocour. Après Augustine (2012) et le très réussi Maryland (2016), la réalisatrice française livre ici un film plein de finesse et d’intelligence qui émeut par sa sobriété et sa manière originale de traiter un sujet classique.

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